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LE LÉVRIER DE MAGNUS.


Voici la roche fauve au désert embusquée,
Et l’eau vive. Tous deux s’abreuvent à longs traits.
Magnus se couche et dort, la tête décasquée.

Sous l’ombre que midi crible en vain de ses rais,
L’étalon dessanglé, dont le ventre bat d’aise,
Libre du lourd chanfrein, broute le gazon frais.

Ils reposent ainsi, sauvés de la fournaise.
Le temps passe. Dans la pourpre de l’Occident
Le soleil plonge enfin, tel qu’une immense braise.

Et, brusquement, la nuit succède au jour ardent.
Le désert allégé soupire. Est-ce l’hyène
Et le chacal qui font, là-bas, ce bruit grondant ?

Quel est ce tourbillon spectral qui se déchaîne ?
Certes, ce ne sont pas chameaux et chameliers
Pérégrinant, selon la coutume ancienne.

Non ! c’est un sombre vol de cinq cents cavaliers,
Pirates du désert, vivant Sémoûn qui rôde,
Jour et nuit, à travers les sables familiers.

L’œil et l’oreille au guet, ils s’en vont en maraude ;
L’yatagan sans gaîne au flanc et lance en main,
Ils viennent, soulevant la poussière encor chaude.

Sinistres, haillonneux, et n’ayant rien d’humain,
Tout leur est bon, chrétiens, croyants, hommes et bêtes,
Forteresse ou couvent qui barre leur chemin.