Page:Leconte de Lisle - Œuvres, Poèmes tragiques.djvu/140

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
126
POÈMES TRAGIQUES.


En leurs gaînes d’argent tordant leurs lames closes,
Des sabres, des poignards aux courts pommeaux polis,
Constellés de saphirs et de diamants roses ;

De grands bahuts ouverts et jusqu’au bord emplis
D’un étincellement de pièces métalliques,
Besans, schiquels, sequins, aigles à fleurs de lys.

D’éclatants ostensoirs, des coffrets à reliques,
Des chandeliers d’autel, des mitres et des croix,
Et des chapes de prêtre et des éphods bibliques.

Or, lui-même, vêtu tel que les anciens rois
D’Orient, est assis, couvert de pierreries,
Sous cette vaste tente aux splendides parois.

Il a conquis son rêve, et sur les deux Syries
La terreur de son nom plane sinistrement,
Comme un oiseau de proie autour des bergeries.

Il a tout renié, l’honneur et le serment
Du chevalier, le nom et la foi des ancêtres ;
Il règne par l’embûche et par l’égorgement.

Les bandits qui l’ont pris, voleurs, apostats, traîtres,
L’ont fait roi du pillage et dieu des Assassins,
Ayant Luxure, Orgueil et Cruauté pour prêtres.

Mieux que Cheiks de tribus et Soudans sarrasins,
Il a de grands harems pleins de femmes fort belles
Que surveille un troupeau d’eunuques Abyssins.