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LE LÉVRIER DE MAGNUS.


Devant sa face froide et de sueur trempée,
Le Chien mystérieux, se redressant soudain,
Lui darde au cœur des yeux aigus comme une épée.

La Bête se transforme en un visage humain,
En un corps revêtu d’une robe de bure,
Blanche et noire, selon le rituel romain.

Et Magnus reconnaît cette pâle figure ;
Il entend cette voix qui, jadis, supplia,
Par la Vierge et les Saints, son âme altière et dure.

C’est Elle ! C’est l’Abbesse Alix ! Ciel ! Il y a
Bien des jours, bien des ans, un siècle, qu’elle est morte.
Que veut-elle à celui qui jamais n’oublia ?

Pourquoi le fer sanglant, la dague qu’elle porte
Au cœur ? et ce stigmate à son front triste et beau ?
Or, le spectre d’Alix lui parle de la sorte :

— Magnus ! Ma chair mortelle et tombée en lambeau,
Cette chair que ton crime a faite ta complice,
Ne gît plus insensible au fond de son tombeau.

Afin que le Décret éternel s’accomplisse,
Afin que, pure encore, elle en puisse sortir,
Elle se purifie au feu d’un long supplice.

Et mon âme, qui souffre avec mon corps martyr,
A reçu mission d’éveiller dans la tienne
L’incessante terreur qui mène au repentir.