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LES ÉRINNYES.

Voici le jour, et l’heure, et la hache, et le lieu,
Et mon âme va fuir, toute chaude d’un Dieu !


EURYBATÈS.

C’est la vérité, femme ! Et je ne puis m’en taire,
Car ce bruit lamentable a couru sur la terre.
Il est vrai que ces murs malheureux, autrefois,
Ont vu couler le sang et les larmes des Rois ;
Mais ces calamités ne doivent plus renaître.


TALTHYBIOS.

Repose-toi sans peur aux sûrs foyers du maître.
Ton père est mort, ta ville est en cendres, les Dieux
Ont ployé ton cou libre au joug injurieux ;
Car il nous faut subir la sombre destinée,
Et c’est pour la douleur que notre race est née.
Les Dieux seuls sont heureux toujours. Mais sache bien
Que ta vie est sacrée, ô femme ! Et ne crains rien.


KASANDRA.

Insensés ! Vous aussi vous ne m’aurez point crue !
Écoutez ! La clameur lointaine s’est accrue.
Oh ! Les longs aboiements ! Je les vois accourir,
Les chiennes, à l’odeur de ceux qui vont mourir,
Les Monstres à qui plaît le cri des agonies,
Les Vieilles aux yeux creux, les blêmes Érinnyes,
Qui flairaient dans la nuit la route où nous passions !
Viens, lugubre troupeau des Exécrations,