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POÈMES TRAGIQUES.


Quand les Chrétiens, traqués aux rocs des Asturies,
Sur les sommets neigeux, au fond des antres sourds,
Loin des belles cités et des plaines fleuries
Vivaient avec les loups, les aigles et les ours !

Mouça, dans ses liens, hausse toute sa taille,
Et sous ses sourcils blancs darde des yeux en feu :
— Ô Croyants ! balayez de bataille en bataille
Ces chiens blasphémateurs du Prophète de Dieu !

Semblables aux torrents tombés des cimes blanches,
Sur le pays d’Afrank ruez-vous, mes lions !
À vous les fruits dorés qui font ployer les branches,
La beauté de la vierge et le grain des sillons !

Enseignez la Loi sainte à l’idolâtre immonde !
Ni trêve ni repos à ces buveurs de vin !
Portez le nom d’Allah jusqu’aux confins du monde
Et ne vous reposez qu’au Paradis divin ! —

Ainsi parle le vieux héros dans son délire.
Et la boue et la pierre, et l’injure et les coups,
Et la clameur féroce et l’exécrable rire
Le submergent comme un assaut de mille loups.

Mais, au Liban lointain, la flamme occidentale,
Par flots rouges, s’enflant de parois en parois,
Inonde les rochers qu’elle allume, et s’étale
Sur les cèdres anciens, immobiles et droits.