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LE SACRE DE PARIS.


Là-bas, palais anciens semblables à des tombes,
    Bois, villages, jardins, châteaux,
Effondrés, écrasés sous l’averse des bombes,
    Fument au faîte des coteaux.

Dans l’étroite tranchée, entre les parois froides,
    Le givre étreint de ses plis blancs
Œil inerte, le front blême, les membres roides,
    La chair dure des morts sanglants.

Les balles du Barbare ont troué ces poitrines
    Et rompu ces cœurs généreux.
La rage du combat gonfle encor leurs narines,
    Ils dorment là serrés entre eux.

L’âpre vent qui franchit la colline et la plaine
    Vient, chargé d’exécrations,
De suprêmes fureurs, de vengeance et de haine,
    Heurter les sombres bastions.

Il flagelle les lourds canons, meute géante
    Qui veille allongée aux affûts,
Et souffle par instants dans leur gueule béante
    Qu’il emplit d’un râle confus.

Il gronde sur l’amas des toits, neigeux décombre,
    Sépulcre immense et déjà clos,
Mais d’où montent encor, lamentables, sans nombre,
    Des murmures faits de sanglots ;