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mon premier amour en prose

guérison, je montai à cheval et je galopai sur le chemin de la montagne.

Je me souviens que, sur la route, je me tenais à peu près ce langage : —


« Si le soleil du paradis s’est joué doucement sur tes lèvres roses, ô mon âme ! je sais un soleil plus doux encore : le connais-tu ? —

« Si quelque ange a mis dans ton sourire un souffle plus limpide et plus parfumé que la senteur de la myrrhe, — je sais un souffle qui donne des ailes pour le ciel : le connais-tu ?

« Si la nuit éblouissante a couvert tes cheveux noirs de son ombre divine, — je sais un voile plus discret et plus beau : — le connais-tu ?

« Ce doux soleil, ce voile discret et beau, ce souffle céleste, ô mon âme, c’est l’amour ! — »


Voilà mon titre justifié, et j’en suis charmé ; car j’ai toujours trouvé du plus mauvais goût de spéculer sur un titre. Cette réflexion pourrait bien avoir un grand sens philosophique, mais je n’en déciderais pas. À peine avais-je achevé ma dernière strophe, que j’aperçus venir à moi un beau manchy porté par huit esclaves. Il faisait une légère brise qui en soulevait de temps à autre le rideau de soie bleue,