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DEUXIÈME PARTIE.

Ô souvenir cruel d’une ivresse éphémère !
Par le crime d’un Dieu dès longtemps je suis mère !


LE VIEILLARD

Ô fille d’Érékhthée, ô Reine, que dis-tu ?
Non ! Ton cœur a gardé l’infaillible vertu,
Et des mots insensés sont tombés de ta bouche.


KRÉOUSA.

Je n’ai dit que trop vrai, par le Hadès farouche,
Et par mes pleurs, hélas ! j’en atteste l’Archer
Céleste, et toi, cher fils, qu’il me vint arracher,
Quand je dormais auprès de ta grâce fleurie !
Peut-être, ô mon enfant, seul, sans nom, sans patrie,
Gémis-tu, vagabond, par la pluie et le vent,
Sur la terre Barbare ou sur le flot mouvant ;
Ou, pour toujours, le long des trois fleuves funèbres,
Chère âme, habites-tu les muettes ténèbres,
Tandis qu’un plus heureux qui n’est pas de mon sang,
Prend ton sceptre et jouit du jour éblouissant !


LE VIEILLARD.

Malheureuse ! Où ce fils a-t-il vu la lumière ?
Quel est ce Dieu fatal et sourd à ta prière ?
Parle, et, bien que cruel, ô Reine, pour tous deux,
Confie à mon amour ce secret douloureux.