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DEUXIÈME STATION


Jésus est chargé de sa Croix.



Aux jours libérateurs où l’Ange, ceint du glaive,
Frappait l’Assyrien dans l’orgueil de son rêve,
Et prodiguait la chair des guerriers aux vautours,
Jérusalem montait au sommet de ses tours ;
Et voyant, par milliers, cette armée inhumaine,
Semblable aux épis mûrs joncher au loin la plaine,
Et dans un tourbillon, les chevaux effarés,
Hennissants, entraîner les chars désemparés ;
La cité de David, joyeuse et hors des tentes,
Triomphait et poussait des clameurs éclatantes !

L’Ange exterminateur a-t-il, comme autrefois,
D’un vertige de mort saisi le cœur des rois,
Et, pour glorifier la race bien-aimée,
Eteint dans une nuit la rumeur d’une armée ?
Non ! si Jérusalem exhale un cri joyeux,
C’est que le Fils de l’homme agonise à ses yeux ;
C’est que, multipliant l’outrage et l’anathème,
Elle peut désormais le frapper elle-même,