Page:Leconte de Lisle - Derniers Poèmes, 1895.djvu/190

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Une larme suprême où son cœur épuisé
Mit tout le désespoir de tant d’amour brisé ;
Et, soulevant sa croix avec son deuil immense,
Il reprit son chemin de douleur en silence ;
Et sa Mère gisait, froide, blanche, l’œil clos,
Les cheveux dénoués ; et, poussant des sanglots ;
Celles qui la suivaient depuis la Galilée,
Pressaient contre leur sein la Vierge immaculée.

Ah ! de sa tige d’or, quand cette Fleur du ciel
Tomba pour embaumer les vallons d’Israël,
Que les vents étaient doux qui passaient dans les nues !
Tu vis naître, ô Saron, des roses inconnues !
Tes palmiers, ô Gadès, émus d’un souffle pur,
Bercèrent, rajeunis, leurs palmes dans l’azur !
Ton cèdre, ô vieux Liban, noir d’une ombre profonde,
Croyant qu’il revoyait les premiers jours du monde,
Salua le soleil qui brilla sur Éden !
Les parfums oubliés de l’antique jardin,
Comme un cher souvenir et comme une promesse
Des enfants de l’exil adoucit la tristesse,
Et de célestes voix, en chants harmonieux
Dirent ton nom, Marie, à l’univers joyeux :

— Terre ! oublie en un jour ton antique détresse !
Ô cieux ! comme les mers palpitez d’allégresse !
La Vierge bienheureuse est née au sein de Dieu !
Elle vole, aux clartés de l’arc-en-ciel en feu,
La Colombe qui porte à l’arche du refuge
Le rameau d’olivier qui survit au déluge !