Page:Leconte de Lisle - Derniers Poèmes, 1895.djvu/21

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Puis Abourâ-Mazda, la Lumière vivante,
D’où les Izeds joyeux sortaient par millions,
Et le sombre Ahrimân, le Roi de l’épouvante,
Couronné de l’orgueil de ses rébellions ;

Puis Asschour et Nergal, Bel dans sa tour de briques ;
Et ceux des monts, des bois obscurs et de la mer :
Hu-ar-Braz et Gwidhoûn et les Esprits Kimriques ;
Et les Dieux que l’Aztèke engraissait de sa chair ;

Et les Ases, couchés sur les neiges sans bornes :
Odin, Thor et Freya, Balder le Désiré
Qui devait s’éveiller aux hurlements des Nornes
Quand ta Fille jalouse, Ymer, aurait pleuré ;

Puis les divins Amis de la Race choisie,
Les Immortels subtils en qui coulait l’Ikhôr,
Héroïsme, Beauté, Sagesse et Poésie,
Autour du grand Kronide assis au Pavé d’or ;

Enfin, dans le brouillard qui monte et le submerge.
Pâle, inerte, roidi du crâne à ses pieds froids,
Le blond Nazaréen, Christ, le Fils de la Vierge,
Qui pendait, tout sanglant, cloué nu sur sa croix.

Et l’Homme cria : — Dieux déchus de vos empires,
Ô Spectres, ô Splendeurs éteintes, ô Bourreaux
Et Rédempteurs, vous tous, les meilleurs et les pires,
Ne revivrez-vous plus pour des siècles nouveaux ?