Page:Leconte de Lisle - Derniers Poèmes, 1895.djvu/282

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révolution de 1830, par exemple ; s’il possède les vertus propres à la poésie, c’est-à-dire la puissance de généraliser, l’emportement lyrique et la certitude de la langue ; si le vers est de trempe solide, habile, voulu, non sermonneur et vierge de plates maximes à l’usage du troupeau banal, tout est bien. On ne peut assez louer l’indignation qui fait des vers irréprochables ; sinon, non. L’enfer catholique est, dit-on, pavé de bonnes intentions ; la géhenne des poètes aussi.

Il est entendu que ceci s’adresse infiniment moins à Auguste Barbier, que nul n’admire plus que moi, là où il est admirable, qu’aux juges ordinaires, et peu informés, de la poésie contemporaine.

Entre toutes les passions qui sont autant de foyers intérieurs d’où jaillit la satire, la passion politique est une des plus âpres et des plus fécondes. Haine de la tyrannie, amour de la liberté, goût de la lutte, ambition de la victoire ou du martyre, tout s’y donne rendez-vous et s’y rencontre. Les forces de l’âme s’y retrempent et l’ardeur du combat s’y ravive. Je ne pense pas que ceci soit contestable. Cependant, l’auteur des Iambes n’a jamais témoigné, que je sache, de convictions politiques accusées. Cette source lui fait donc défaut, et l’estampille démocratique dont on l’affuble lui va fort mal, malgré la Liberté de la Curée, cette forte femme qui ne prend ses amours que dans la populace. On pourrait même affirmer, d’après certain passage du très vieil anathème de l’Idole, que les monarchies débonnaires satisfont complètement son idéal. Je n’en blâme l’homme en aucune façon, mais le satirique en souffre. Avec le goût honnête et louable de l’ordre