Page:Leconte de Lisle - Derniers Poèmes, 1895.djvu/307

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scène de plus majestueuses et de plus hautes paroles. Ce sont des vers spacieux et marmoréens, d’une facture souveraine, dignes d’exprimer les passions farouches de ces vieux chevaliers géants du Rhin. la grandeur et la beauté de cette légende tragique ne furent pas comprises. Une réaction passagère, insignifiante en elle-même et quant à ses résultats prochains, sévissait à cette époque et pervertissait le goût public. Toutes les pièces du Maître avaient été discutées, applaudies, combattues, mais elles devaient finir par triompher de toutes les résistances. Seuls, les Burgraves sont encore écartés de la scène, bien que l’auteur n’ait jamais fait preuve au théâtre de plus puissantes facultés créatives. D’autres raisons, d’une nature étrangère à l’art, peuvent, il est vrai, s’opposer légitimement à la reprise de cette tragédie légendaire dans laquelle le sublime poète de l’Orestie eût reconnu un génie de sa famille. « On ne surpassera pas Eschyle, a dit Victor Hugo, mais on peut l’égaler. » Et il l’a prouvé.

J’ai dit, messieurs, que ses romans étaient aussi des poèmes ; et, en effet, si la magie du vers leur manque, l’ampleur de la composition, la richesse d’une langue originale, énergique et brillante, la création des types plutôt que l’analyse des caractères individuels, leur donnent droit à ce titre. Il était, du reste, impossible que Victor Hugo cessât un moment d’être poète, l’eût-il voulu. Ne sont-ce pas deux épopées que Notre-Dame de Paris et les Misérables, l’une plus régulièrement composée, plus condensée ; l’autre, touffue, complexe, excessive, entrecoupée d’admirables épisodes ? Notre-Dame de Paris, in-