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de rire de l’enfance ou sombres comme une colère de barbare, et flottant, sans formes précises encore, de génération en génération, d’âme en âme et de bouche en bouche ; dans ces temps de floraison merveilleuse, des hommes symboliques sont créés par l’imagination de tout un peuple, vastes esprits où les germes épars du génie commun se réunissent et se condensent en théogonies et en épopées. L’humanité les tient pour les révélateurs antiques du Beau et immortalise les noms d’Homère et de Valmiki. Et l’humanité a raison, car tous les éléments de la Poésie universelle sont contenus dans ces poèmes sublimes qui ne seront jamais oubliés.

Les grands hommes de race homérique, Eschyle, Sophocle, Euripide, inaugurent bientôt, à l’éternel honneur de la Hellas, le règne des génies individuels ; Aristophane écrit ses comédies où la satire politique, sociale et littéraire, l’esprit le plus aigu, le plus souple, le plus original et souvent le plus cynique, s’illuminent de chœurs étincelants ; les purs lyriques abondent, et l’inspiration hellénique devient l’éducatrice du monde intellectuel latin. Puis, les races vivent, luttent, vieillissent ; les langues se modifient, se corrompent, se désagrègent ; d’autres idiomes naissent d’elles, informes encore, et finissent par se constituer lentement.

Après les noires années du moyen âge, années d’abominable barbarie, qui avaient amené l’anéantissement presque total des richesses intellectuelles héritées de l’antiquité, avilissant les esprits par la