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épiques et des victoires dont le souvenir l’a hanté toute sa vie, en lui inspirant d’admirables vers ; tandis que le réveil des idées religieuses, sous la forme d’une résurrection pittoresque du catholicisme, d’une part, et, d’autre part, d’une poésie plutôt sentimentale que dogmatique, suscitait en lui l’admiration des merveilles architecturales du moyen âge et le goût inconscient de la Monarchie restaurée.

À vingt ans, Victor Hugo se crut donc royaliste et catholique ; mais la nature même de son génie ne devait point tarder à dissiper ces illusions de sa jeunesse. L’ardent défenseur des aspirations modernes, l’évocateur de la République universelle couvait déjà dans l’enfant qui anathématisait à la fois, en 1822, la Révolution et l’Empire, et chantait la race royale revenue derrière l’étranger victorieux. Destiné qu’il était à incarner en quelque sorte la conscience agitée de son siècle, à être comme le symbole vivant, comme le clairon d’or des idées ondoyantes, des espérances, des passions, des transformations successives de l’esprit contemporain, il devait, avec la même sincérité et la même ardeur, développer ses merveilleux dons lyriques, de ses premières odes à ses derniers poèmes, par une ascension toujours plus haute et plus éclatante. Il devait moins changer, comme on le lui a reproché tant de fois, qu’il ne devait grandir sans cesse, dans l’ampleur de sa puissante imagination et dans la certitude d’un art sans défaillance.

Quelles que soient, d’ailleurs, les causes, les