Page:Leconte de Lisle - Discours, 1887.djvu/38

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Il me semble, tandis que je lis ces affirmations, entendre, du second rang où le place le poète, Molière qui a ri de tant de choses consacrées et même sacrées, murmurer entre ses dents : « Vous êtes orfèvre, monsieur Josse ! » en ajoutant aussitôt : « Mais quel admirable orfèvre vous êtes ! »

Lorsqu’un grand génie a pris, dès l’enfance, l’habitude de s’entretenir avec un cercle de génies antérieurs où Sophocle, Platon, Virgile, La Fontaine, Corneille et Molière n’occupent que le second plan, où Montaigne, Racine, Pascal, Bossuet, La Bruyère ne pénètrent pas, on comprend aisément que le jour où ce grand génie distingue dans la foule qui s’agite à ses pieds un poète et le marque au front du signe auquel on reconnaîtra dans l’avenir ceux de sa race et de sa famille, ce poète aura le droit d’être fier. Ce poète c’est vous, monsieur.

Comment l’intimité intellectuelle, l’alliance esthétique se sont-elles établies entre vous et Victor Hugo ?

C’était sous l’empire, Victor Hugo était à Guernesey. Il se promenait sur la terrasse qu’il a immortalisée et qui était devenue un but de pèlerinage pour tous les jeunes poètes. Pas un nuage au ciel « formé d’un seul saphir », comme il aurait dit, pas une ride sur la mer dans laquelle, selon votre belle expression, que nous allons retrouver tout à l’heure, « le soleil tombe en nappes d’argent ». Alors un des jeunes hommes qui avaient l’honneur de se mouvoir dans l’ombre de l’exilé, s’écria tout à coup comme