Page:Leconte de Lisle - Discours, 1887.djvu/47

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causés dans ma jeunesse. Car ceux de notre âge sont tous nourris de son lait, de son miel, de sa chair. A la seule évocation de son nom, les vers s’allument dans notre mémoire et s’élancent jusqu’au ciel en gerbes de feu de toutes les couleurs. Je comprends que Chateaubriand l’ait appelé enfant sublime. On dit maintenant que le mot n’est pas vrai. Tant pis pour Chateaubriand. On dit aussi que le poète ne descend pas, comme il l’a prétendu, des Hugo, qui furent capitaines dans les troupes de René II, duc de Lorraine. Tant pis pour les capitaines du duc René II. Ce qui est certain, c’est qu’il fait partie désormais de l’air que nous respirons ; il a passé dans le sang de la France. S’il n’appartient plus à la Lorraine par ses aïeux, il tient, par son génie, au sol de la patrie intellectuelle, de l’éternelle patrie française que nul ne peut envahir ni morceler. Maintenant, si l’on rapproche votre préface du discours que nous venons d’entendre, il sera facile de constater que, tout en exceptant Victor Hugo, vos idées générales ne sont pas modifiées. Cette exception n’est pas une simple courtoisie académique, puisque, dans l’oraison funèbre que vous avez prononcée, le jour des funérailles, vous avez appelé le mort « l’éternelle lumière qui nous guidera éternellement vers l’éternelle beauté, » qu’aujourd’hui vous déclarez son œuvre unique entre toutes, en ce qui la caractérise. Par cette toute petite restriction vous pouvez vous maintenir dans vos théories premières et, dans votre aspiration finale : la direction,