Page:Leconte de Lisle - Discours, 1887.djvu/65

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Le politique, je le laisserai tout de suite de côté. Hugo, mort, n’a plus rien à faire avec la politique, chez nous du moins. Nous le reprenons au nom des lettres, nous le gardons et nous ne le rendons pas. Cependant, il me faut répondre à une assertion de vous que je crois erronée. Vous dites quelque part, pour l’excuser sans doute : « Il s’est cru royaliste et catholique. » Il ne s’est pas cru royaliste et catholique ; il l’a bel et bien été ; et très sincèrement, comme il a bel et bien cessé d’être l’un et l’autre. Il l’a dit et répété maintes fois, en vers et en prose ; il n’y a donc pas à en douter. Du reste, nul n’a été, dans ses actes comme dans ses œuvres, plus sincère et plus convaincu que lui, toujours. Nous avons tous le droit de modifier les idées politiques et religieuses que la famille et la société ont imposées à notre enfance ignorante et soumise ; c’est affaire entre notre conscience et nous. Si le coup de tonnerre du chemin de Damas a raison pour Saint Paul, si la parole de Saint Ambroise a raison pour Saint Augustin, qui prouvera tout de suite, quand nos idées se modifient, que ce n’est pas Saint Ambroise que nous écoutons ou le ciel lui-même qui nous parle ? Ce que nous pouvons rechercher, parce que ce sera une étude psychologique de Victor Hugo propre à faire comprendre une partie de son œuvre littéraire, c’est pourquoi il a cessé d’être royaliste et catholique. A cet effet, il faut se placer à un certain point de vue ; il faut se demander pourquoi la nature avait créé cet homme à