Page:Leconte de Lisle - Discours, 1887.djvu/74

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Puisqu’en ce jour le sang ruisselle, les toits brûlent,
Jour sacré,
Puisque c’est le moment, où les lâches reculent
J’accourrai.

France, être sur ta claie à l’heure où l’on te traîne
Aux cheveux,
O ma mère, et porter un anneau de ta chaîne,
Je le yeux.

J’accours, puisque sur toi la bombe et la mitraille
Ont craché,
Tu me regarderas debout sur la muraille,
Ou couché.

Et peut-être, en la terre où brille l’espérance,
Pur flambeau,
Pour prix de mon exil, tu m’accorderas, France,
Un tombeau.


La guerre finie, la paix faite, le poète devient l’idole de la foule. Il est écouté comme un oracle, acclamé comme un roi, fêté comme un saint. On l’appelle le Maître ; on l’appelle le Père. L’anniversaire de sa première pièce est célébré au théâtre, l’anniversaire de sa naissance est célébré dans la ville. On donne congé dans les collèges ; on accorde des grâces dans les prisons. Ceux qui admirent cet homme s’agenouillent ; ceux qui ne l’admirent pas se taisent. Il semble convenu qu’on ne le discutera plus, tant qu’il vivra. C’est notre gloire nationale ; il vit dans une acclamation incessante. Quand la mort le menace, la foule inquiète emplit sa rue. Des centaines, des milliers d’hommes et de femmes de ce peuple qu’il a exalté jusque dans ses erreurs passent la nuit devant sa porte ; le monde entier demande des nouvelles. Sa mort est un deuil public. On interrompt les affaires ; on suspend les études ;