Page:Leconte de Lisle - Discours, 1887.djvu/78

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emplit les airs de palpitations si majestueuses, éveille des échos si puissants et si prolongés dans les vastes plaines et les immenses forêts qui l’entourent et qu’il domine des hauteurs où il s’élève, qu’on se dit, par moments, comme dans les contes du moyen âge, qu’il faut que Dieu ou le Diable ait mis la main à la besogne.

Attendons. C’est le poète lui-même qui l’a dit.

Voulez-vous qu’une tour, voulez-vous qu’une église
Soient de ces monuments dont l’âme idéalise
La forme et la hauteur ?

Attendez que de mousse elles soient revêtues,
Et laissez travailler à toutes les statues
Le Temps, ce grand sculpteur !


Si l’on me demandait ensuite, le Temps ayant fait ce qu’il a à faire, comment l’avenir appellera Victor Hugo, je répondrais qu’il l’appellera, selon moi, l’auteur de la Légende des Siècles, comme nous appelons Dante l’auteur de la Divine Comédie, comme nous appelons Balzac l’auteur de la Comédie humaine. Non pas que je réduise l’œuvre de Victor Hugo aux seuls poèmes qui portent cette dénomination particulière de Légende des Siècles, mais tout au contraire, parce que, dans ce titre générique, je rassemblerais et ferais rentrer toutes les œuvres du poète, poésie lyrique et épique, roman, théâtre, histoire, philosophie, vers et prose. A mon avis, à mon avis seulement, quoi qu’il fît, même à son insu, Victor Hugo ne sortait jamais de la légende. Ses personnages ne sont ni dans la réalité de la vie,