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POÈMES BARBARES.

Des nocturnes vapeurs le couvercle pesant,
Fit éclater le gouffre immortel, mer de flammes
D’où jaillissent sans cesse, où retournent les âmes,
Où l’amoncellement des univers se joint
À l’amas des soleils, qui ne commence point,
Qui ne finit jamais, où tout poursuit sa voie,
Où tout éclôt, bouillonne et grandit et tournoie,
S’efface, disparaît, revient et roule encor
Dans les sphères d’azur et les ellipses d’or.

Et la lourde nuée en montagnes de brume
Croula vers l’Occident qu’un morne éclair allume.
La mer, lasse d’efforts, comme pour s’assoupir,
Changea sa clameur rude en un vaste soupir,
Et, réprimant l’assaut de ses houles plus lentes,
Tomba sans force au pied des roches ruisselantes.
L’horizon, dégagé de son épais fardeau,
S’élargit, reculant les longues lignes d’eau ;
L’Île sainte monta, tranquille, hors des ombres ;
Le croissant de la lune argenta ses pics sombres ;
Et l’innombrable essaim des Dieux s’évanouit
Dans le rayonnement splendide de la nuit.