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POÈMES BARBARES.

Croit venger la Victime auguste et volontaire
Qui, jusques au tombeau, priant et bénissant,
Ne versa que ses pleurs et que son propre sang.
Or, la sinistre nef court au sommet des lames
Vers la plage fatale où luisent les neuf flammes.
Le vent et l’aviron, d’un unanime effort,
La poussent sur le sable amoncelé du bord ;
Elle échoue, et voici qu’aux lueurs de la lune,
Le chef et les guerriers s’en vont de dune en dune.





Les harpes s’emplissaient d’un souffle harmonieux ;
Le chœur mâle des voix s’épandait sous les cieux
Avec les mille échos du murmure nocturne ;
Et la Vierge, inclinant l’orifice de l’urne,
Baignait dans l’arche d’or le Gui qu’elle a tranché
Sur l’arbre vénérable où Gwiddonn est caché,
Quand, au faîte moussu d’une roche prochaine,
Murdoc’h parut, debout, dans son manteau de laine.
Et le Persécuteur, un instant, regarda
Cette foule immobile autour d’Uheldéda
Et de ce grand vieillard aux longs cheveux de neige
Assis sur le granit comme un roi sur son siège.
Mais, à ces chants sacrés, à cet auguste aspect,
Son cœur ne ressentit ni trouble, ni respect,
Et, dans un rire amer, plein d’insulte et d’outrage,
Il poussa dans la nuit ce blasphème sauvage :