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POÈMES BARBARES.


Cœurs libres, qui battiez sans peur et sans entraves !
Esprits qui remontiez noblement vers les Dieux,
Dans l’orgueil d’une mort inconnue aux esclaves !

Salut, palais en cendre où vivaient mes aïeux !
Ô chants sacrés, combats, vertus, fêtes et gloire,
Ô soleils éclipsés, recevez mes adieux !

Ton peuple, sainte Érinn, a perdu la mémoire,
Et, seul, des vieux chefs morts j’entends la sombre voix ;
Ils parlent, et mon nom roule dans la nuit noire :

Viens ! disent-ils, la hache a mutilé les bois,
L’esclave rampe et prie où chantaient les épées,
Et tous les Dieux d’Erinn sont partis à la fois !

Viens ! les âmes des Finns, à l’opprobre échappées,
Dans la salle aux piliers de nuages brûlants
Siègent, la coupe au poing, de pourpre et d’or drapées.

Le glaive qui les fit illustres bat leurs flancs ;
Elles rêvent de gloire aux fiers accents du barde,
Et la verveine en fleur presse leurs fronts sanglants.

Mais la foule des chefs parfois songe et regarde
S’il arrive, le roi des chanteurs de Temrah ;
Ils disent, en rumeur : — Voici longtemps qu’il tarde ! —