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POÈMES BARBARES.


LES CHASSEURS.


Nous partirons demain, joyeux et l’arc au dos ;
Nous forcerons les cerfs paissant les mousses rudes ;
Et vers la nuit, courbés sous d’abondants fardeaux,
Nous reviendrons en paix du fond des solitudes.
Les filles aux yeux clairs plus doux que le matin,
De leur pied rose et nu, promptes comme le renne,
Accourront sur la neige, et pour le gras festin
Feront jaillir le feu sous les broches de frêne.
L’hydromel écumeux déborde aux cruches d’or :
Laissons chanter l’ivresse et se rouiller les glaives,
Et l’orage éternel qui nous épargne encor
Avec les vains labeurs emporter les vieux rêves !


LE RUNOÏA.


Runoïas ! le soleil suprême est-il levé ?
A-t-il rougi le ciel, le jour que j’ai rêvé ?
Avez-vous entendu la Vieille au doigt magique
Frapper l’heure et l’instant sur le tambour Runique ?
L’aigle a-t-il délaissé le faîte de la tour ?
Répondez, mes enfants, avez-vous vu le jour ?


LES RUNOÏAS.


Vieillard de Karjala, la nuit est noire encore,
Et le cap nébuleux n’a point revu l’aurore.