Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/222

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Il s’en t’ait admirer, sans les rendre jaloux.
Ce n’est point, comme ici, ce chant héréditaire,
Qui, transmis d’âge en âge, et d’aïeux en aïeux,
Accompagne le soc criant dans les campagnes :
Il chante ce qu’il voit, ce qu’admirent ses yeux,
Son beau ciel, son soleil, sa mer, et ses montagnes.

Que lui font ces rochers, par la pourpre avilis,
Où les plaisirs d’un prince épouvantaient l’histoire,
Et ces riants coteaux, par Virgile ennoblis,
Où l’Énéide, un jour, désarma la victoire !
Ce qu’il ne connaît pas n’inspire point ses vers.
Que lui font nos tableaux, nos poèmes, nos marbres !
Sa cabane de jonc, voilà son univers :
Et son livre de fleurs est écrit sous ses arbres.

La nature a comblé ce peuple étincelant,
Mais il ne tente rien pour achever l’ouvrage.
Les arts semblent innés sous ce ciel opulent,
La sève poétique y jaillit du langage :
Mais jouir de ces dons n’est pas les mériter ;
Il les dégrade tous par son manque de haine,
Et le joug insolent, qu’il n’ose détester,
Est devenu si vieux, qu’il ne sent plus sa chaîne.

Peuple, tu veux chanter ! chante donc ton réveil !
Ce sol qui te nourrit, ce climat qui t’enivre,