Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/256

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Moi, je suis philosophe, hélas ! et ma sagesse,
Au bout de ses travaux, n’a trouvé que tristesse :
C’est là mon élément ! Je ne crois plus à rien
De ce que mes aïeux croyaient et trouvaient bien.
Briser ce joug peut-être était une imprudence.
Captif enorgueilli d’un air d’indépendance,
Je ne vais pas, le soir, avant que le sommeil,
De délasser mes yeux m’ait donné le conseil,
Murmurer d’oraisons aux pieds d’une madone,
Et, sans avoir mal fait, prier qu’on me pardonne.
Aux châtiments de Dieu je n’ajoute pas foi :
Je pense qu’en vivant j’accomplirai sa loi,
Et qu’il n’est pas besoin, pour paraître fidèle,
D’apprendre à sa grandeur un secret qui vient d’ello.
Ce n’est pas à genoux qu’il faut le supplier,
Homme : à ton Créateur si tu veux t’allier,
Relève-moi ce front noyé dans la poussière !
C’est, en faisant du bien, que l’on fait sa prière.
Voilà ce que je pense ! et d’où vient que toujours
Dans les siècles passés je transporte mes jours ?
C’est qu’on y semble heureux, et queje cherche à l’être.
On paraissait aveugle, et l’on voyait peut-être :
L’erreur de ce temps-là vaut bien notre raison.
De nos vieux préjugés j’ai forcé la prison ;
Mais je regrette encor notre ancienne ignorance :
Elle marchait au moins plus près de l’espérance.

Passy, l812.