Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/313

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Laissons poindre à l’écart ces plantes sans pitié,
Dont le parfum mordant fait peur à l’amitié,
L’envieux aloès, la froide ficoïde,
Et du souci jaloux l’ambre amer et perfide ;
Mais consultons long-temps (si quelque triste main
Écarte de nos fronts la gaîté du jasmin)
La menthe des rochers, dont les paillettes blanches
Percent, dans les cailloux, à côté des pervenches,
Comme un doux souvenir dans un cœur endurci :
Le lierre généreux, la clématite aussi,
Qui du seuil indigent des chaumières fumeuses,
Va suspendre à leurs toits ses guirlandes plumeuses :
La giroflée enfin, qui, de nos vieux châteaux,
Dernière sentinelle, embrasse les créneaux,
Et, comme un dévoùment que rien ne décourage,
Jette sur l’infortune un manteau qui l’ombrage.
Quelle vaste assemblée, et quel riant concours,
Epanche autour de vous ses odorants discours !
Et ce n’est rien pourtant : vous ignorez encore
Comment, avec des fleurs, on dit qu’on vous adore !

L’Amour ! nous l’avons vu, d’abord faibleet tremblant,
Abriter sa naissance au fond d’un pavot blanc,
Éclater dans l’œillet, pleurer dans l’adonide :
Dans la jonquille aussi le Dieu bridant réside,
Et dans l’héliotrope il dort pour s’inspirer ;
Il a plus de palais qu’il n’en peut respirer.