Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/328

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Les brumes du lointain émoussant les douleurs,
On sourit quelquefois de ses anciens malheurs,
Et nos printemps éteints rallument leur mirage.
Bénissons donc la nuit, qui, sur nos mers d’orage,
Ranime des fanaux qu’emportait leur reflux,
Et fait croire, un instant, à des biens qu’on n’a plus.

La nuit, sœur des adieux, parle aussi d’espérance.
Qui n’a pas, oubliant son sillon de souffrance,
Fuyant la fange humaine et ses brisans pervers,
De quelque astre idéal abordé l’univers !
Qui n’a pas, fatigué de nos mornes rivages,
De la nuit, comme un char, emprunté les nuages,
De soleil en soleil transporté son essor,
De leurs brûlants vallons respiré le trésor,
Et, poursuivant le vol de ces îles ailées,
Qui cinglent dans le ciel en flottes étoilées,
Cherché, dans les détours de leurs feux suspendus,
Les êtres bien-aimés, qu’on a trop tôt perdus !
Savons-nous, engourdis sous nos glaces charnetles,
Si, dans leurs palais d’or, ces ombres fraternelles
N’ont pas quelques regards pour leur premier séjour :
Et, veuves sur le trône, où manque notre amour,
De nos chagrins votifs n’exigent pas l’hommage ?
Qui sait, lorsque des morts s’éveille en nous l’image,
Si ce n’est pas leur âme, en deuil d’un souvenir,
Qui descend dans nos cœurs, pour s’enten : lre bénir ?