Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/354

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Conquérant avorté, l’esprit ambitieux,
Las de ce globe étroit, s’acharne après les cieux,
Et quand il en descend, vainqueur en apparence,
Pâle d’avoir appris, il se meurt d’ignorance.
Comme un lac souterrain, qui, sans l’anéantir,
Ronge de son berceau, dont il ne peut sortir,
Le dôme trop étroit, qu’il veut rendre plus ample,
La pensée est un dieu, qui ruine son temple.

La pensée est un dieu, dont la mort fait raison :
Mais, quel calice on vide avant la guérison !
Avouons-le, pourtant, pour les fièvres de l’âme,
La lyre a quelquefois distillé le dictame.
A l’admirer tout seul la nature fait mal :
Nos faibles yeux ont peur de son manteau royal,
Peur, en la regardant, de flétrir sa couronne.
Devant tant de trésors la voix tremble et s’étonne.
Mais si, pour célébrer l’or fleuri du gazon,
Qui sous nos doctes pas étend son vert blason,
Le chant du rossignol dans la nuit des ramées,
Ledeuil tremblant du saule au bord des eaux charmées,
Et tout ce monde enfin, dont la moindre beauté
Dans l’infini d’un rien cache l’immensité ;
Si, pour lever les plans de cette œuvre éternelle.
On vient à découvrir quelque âme fraternelle,
Qui sache, avec la nôtre, admirer de moitié :
Cette pensée alors, qu’adoucit l’amitié,