Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/381

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Nous n’y rencontrons pas quelqu’ombre fraternelle,
Qui confonde avec nous son essence nouvelle,
Pour prier, pour jouir, pour nous dire : Ma sœur,
Planons entrelacés loin d’un monde oppresseur !
Nous qui réunissions nbs bouquets d’espérances,
Renouons, sans souffrir, nos gerbes de souffrances :
Aux épis d’autrefois joignons ceux du Seigneur :
Nos pleurs se sont mêlés, mêlons notre bonheur !

De cette illusion pourquoi me défendrai-je ?
Dans mes nuits d’ici-bas sa lueur me protège.
N’est-il pas doux de croire, en aimant dans ces lieux,
Qu’on prépare déjà ses amitiés des cieux,
Et qu’un être, échappé des pays où l’on pleure,
Ne nous oublira pas dans sa sainte demeure !
L’hymen des souvenirs dure plus d’un instant :
Moi, j’habite d’avance où je sais qu’on m’attend.
Illusion encore, mais douce et ravissante !
Va, l’on ne meurt jamais, quand on aime : on s’absente.
L’ami qu’on perd renaît au delà du trépas,
Et si l’on se sépare, on ne se quitte pas.
Son âme bien-aimée, errant d’un monde à L’autre,
Aussitôt qu’on l’appelle, apparaît à la nôtre.
Elle glisse dans l’air avec les feux follets :
Comme un rayon du soir, aux fentes des volets,
Elle veille sur nous dans nos heures d’orage :
D’une pensée intime elle entend le passage,