Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/416

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Prosterner à ses pieds ma savante richesse,
La combler de talents, sans troubler sa paresse,
Et, de ma solitude abjurant la rigueur,
Instruire son esprit, pour atteindre à son cœur !
Le sort, avec l’amour déjà de connivence,
Sous le joug, dont je meurs, m’avait courbé d’avance.
Ces sœurs, qu’à nos chagrins le génie accorda,
Clémentine, Imogen, Clarisse ou Miranda,
Ces enfants adoptifs, qu’éleva l’Angleterre,
Et qui, sans exister, peuplent pourtant la terre,
Semblaient, tous confondus sous un nom gracieux,
Me dicter un roman, qui m’approchait d<s cieux.
J’habitais tout entier le paradis d’un livre,
Et je ne vivais pas : je m’apprêtais à vivre.
Je croyais quelquefois sentir, étincelants,
Des yeux mystérieux surveiller mes élans.
Il est si doux, blessé par de lâches intrigues,
D’aller, dans une autre âme, endormir ses fatigues,
Que, d’une ingratitude eussé-je dû périr,
J’aurais, pour tout donner, voulu tout conquérir !
Comme en hiver l’abeille attend la fleur prochaine,
De mon printemps futur, moi, j’attendais la reine,
Non pas pour lui ravir les parfums qu’elle aurait,
Mais pour lui prodiguer ceux qu’elle m’envirait.