Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/497

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Pour te voir plus long-temps, pour te voir davantage :
Te lire dans les fleurs, dans les champs, dans les bois :
N’étudier dans l’air qu’un écho de ta voix,
Ou, parcourant du ciel les étoiles jalouses,
Ne cueillir que ton nom dans l’or de leurs pelouses :
Ne respirer qu’en toi, comme on respire en Dieu :
Craindre, à la moindre absence, un éternel adieu :
Demander sans espoir, à mon heure dernière,
D’expirer à tes pieds, en baisant leur poussière :
Peut-être tant d’amour vaut-il une vertu,
Et ce fut là le mien ! mais t’en souviendras-tu ?
Hélas ! quel est l’amour, lorsque l’amant succombe,
Qui puisse soulever la dalle de sa tombe ?
Tout de lui s’éteint là : le souffle des vivants,
En passant sur les morts, jette leur poudre aux vents.
On pourra donc t’aimer, t’aimer et te le dire,
Quand je ne serai plus que le nom d’un martyre !
S’il est vrai cependant que j’emporte avec moi
Des secrets inconnus de souffrance et de foi :
S’il est vrai que Dieu même, avare de merveilles,
N’attache pas sa flamme à deux lampes pareilles :
Prends encore après moi mon âme pour flambeau,
Et qu’un pieux rayon sorte de mon tombeau,
Pour éclairer tes pas, sans affliger ta route,
Ou pour te pardonner l’oubli que je redoute.