Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/516

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La verdure m’afflige, elle est trop monotone :
J’ennuage l’été des brouillards de l’automne :
Voilà pourquoi mon âme accuse tant le sort,
Et, triste, restera triste jusqu’à la mort.

Ma jeunesse a passé comme le météore,
Oui s’éteint, en glissant, dans la nuit qu’il colore ;
Mais je suis encor loin de ces jours de degoût,
Où, près de tout quitter, on peut rire de tout :
Oui, trop loin ! Et d’ailleurs qu’importe la vieillesse !
Le temps use le corps, sans faucher la tristesse.
Nos âmes ont peut-être un âge, pour fleurir ;
Mais elles n’en ont pas, pour cesser de souffrir.
Puis le ciel, en ce monde, où Dieu même s’efface,
A. jeté des mortels, à mémoire vivace,
Dont le sang brûle encor dans des membres tremblants :
Desmortels, dontlesyeux, cachés sousleurscils blancs,
Pour ceux qu’ilsontaimésdansdes temps moinsarides,
Laissent dejeunes pleurs couler entre leurs rides.
Leur tristesse, à ceux-là, les suit jusqu’au tombeau :
Le fil ne change pas jusqu’au bout du fuseau.
Orgueil ou non, je sens que je suis né leur frère.
Il n’estpas, avec moi, de malheur temporaire :
Voilà pourquoi mon âme est si triste : et pourquoi
Le printemps, sans me voir, passe à côté de moi.