Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/534

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Et, gigantesque roi d’un peuple de montagnes,
N’en faire, auprès de lui, que de rases campagnes ?
C’est l’image à peu près de ce drame géant,
Devant qui nos grands vers ne sont que du néant.
Solide et haut, puissant de forme et de structure,
Cet ouvrage écrasant est seul dans la nature.

A Lauterbrùnn, un soir, (tandis que l’ouragan
Agitait des vieux pins le noueux océan,
Et, qu’ouvrant dans le ciel son humide cratère,
La foudre tourmentait le toit du presbytère)
C’est ainsi qu’autrefois, mon amour rassuré,
Des parfums de Schiller s’éveillait inspiré ;
Maria l’écoutait, et reprenant courage,
Souriait aux lenteurs d’un pluvieux voyage.
Quel singulier pouvoir que celui de l’amour,
D’attirer tout à lui, pour y mêler son jour !
Soleil vivifiant, sa lumière féconde
Transforme, en y tombant, les nuages du monde,
Et semble en brouillard d’or, à nos yeux, dérouler
Les poudreuses vapeurs, qui pourraient la voiler.
Ainsi, dans cette scène à l’amour étrangère,
Je trouvais à glaner sa lueur passagère :
Je croyais me sentir, d’un tyran délivré,
Savourer dans ces vers un air régénéré ;
J’élevais sur leur base une Suisse idéale,
Un sauvage élysée, oasis conjugale,