Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/567

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Plus de songes alors : je vis le désespoir,
De mes illusions fracasser le miroir,
Et mes rêves, fuyant en hostiles parcelles,
Disséminer partout leur grésil d’étincelles.
Je voulus quelquefois, et morceau par morceau,
De mes éclairs épars reformer le faisceau ;
Hélas ! plus froide encor que le vent monotone,
Qui chasse devant lui les feuilles de l’automne,
La froide vérité dispersa dans les cieux
Ces restes de bonheur, qui tremblaient sous mes yeux.
Malheureux ! j’essayais, pour y lire un présage,
De recoudre en un seul des fragments de nuage :
Et mon cœur, fatigué de si pauvres travaux,
S’est roulé dans ses pleurs, sans y noyer ses maux.
Que j’ai souffert ! Meurtri des ffèches insensées,
Que le jour malfaisant dardait dans mes pensées,
Je comptais sur les biens, que la nuit nous promet :
Mais la nuit sans pitié jamais ne me calmait,
Et mon cours d’existence, ou plutôt d’agonie,
Se prolongeait sans fin, doublé par l’insomnie.
Uniforme et changeant, un feu toujours nouveau
Tournait, comme une meule, au fond de mon cerveau :
Et j’errais, je criais, j’implorais un dictame
Qui pût, ou la détruire, ou rafraîchir mon àme,
Un élixir d’oubli, quelque froide liqueur,
Un baume, un talisman, qui m’engourdît le cœur !