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Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/570

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Jeté sur une couche à la fièvre asservie,
Tout m’y faisait sentir les pointes de la vie :
Le duvet sous mon corps se changeait en bûcher ;
Nulle angoisse à présent n’y vient m’effaroucher.
Comme un nageur porté sur des ondes qui glissent,
Sous mes tapis fuyants mes membres s’amollissent,
Et tout semble autour d’eux, de peur de les blesser,
S’arrondir de langueur, se fondre, ou s’émousser.
On dirait qu’un nuage, en croiseur bénévole,
Nous emmène avec lui, dans sa barque’qui vole,
Contempler de plus près ces cotonneux déserts,
Paysages de brume esquissés dans les airs,
Qui roulent au couchant leur sol de mosaïque,
Et de leurs lacs de feu la pompe fantastique.
Comme l’aéronaute on a beau voyager,
Le nébuleux navire, à la terre étranger,
Ne rencontre jamais que d’impalpables lies,
Dont les écueils ailés fuient comme des nautiles.

Moins étonné qu’heureux d’exister sans gémir,
Je ne dors pas : je veille, en me sentant dormir.
De mon ciel d’autrefois j’ai retrouvé les plaines :
Je m’y souviens de tout, excepté de mes peines.
Sans les voir se faner, j’y vois s’épanouir
Le fantôme des fleurs, que j’espérais cueillir :