Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/574

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Et la sagesse aussi, pendant que nous dormons,
Nous tirer de la tombe, où nous nous enfermons.

Vous, dont l’âme souffrante, ayant vu comme on aime,
Ne sait plus où poser le fardeau d’elle-même,
Quittez donc, comme moi, la sphère, où vous pleurez.
Courbons sous les pavots nos fronts désespérés :
Pressons jusqu’à l’écorce un fruit qui nous enivre,
Qui nous fasse douter du supplice de vivre.
Quand, du fond de la coupe, où plongent nos douleurs,
Nous verrons remonter l’âcreté de nos pleurs,
Partons ! La terre est grande et la mer est profonde :
Avant que d’en sortir, on visite le monde.
Quand nous l’aurons connu, sans pouvoir nous guérir,
Sans pouvoir étancher notre soif de mourir,
Soyons soldats ! La guerre, aujourd’hui réprouvée,
Tandis que nous dormions, est peut-être arrivée.
Puisqu’il existe encor des hommes et du fer,
On peut compter sur eux : la mort même est dans l’air ;
Profitez-en : et, las de vos molles tempêtes,
Au lieu de vous courber, présentez-lui vos têtes.