Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/600

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Cet aigle, dépouillé du trône des orages,
Qu’attelait le tonnerre à son char de nuages ?
Le fer a mutilé les ailes de ce roi,
Qui, porteur de la foudre, en subjuguait l’effroi
Il a crié long-temps : et, d’un bec inutile,
Mordu de son cachot le grillage servile.
Il se tait maintenant : et, comme un froid brouillard,
L’esclavage engourdit l’orgueil de son regard :
La montagne lui manque : il dort, ou dans sa cage
Traîne, stupide et lourd, un reste de plumage.
Un voyageur qui part, La Pérouse des airs,
Place dans son esquif le banni des éclairs :
Et l’esquif, emporté par son globe de soie,
Sur les flots qu’il gravit, en planant, se déploie.
L’aigle alors se ranime, il soulève les yeux :
Il sent, autour de lui, l’air oublié des cieux,
Dérouiller les ressorts de son aile suprême :
Son plumage assoupi se gonfle de lui-même :
Plus le ciel se rapproche et la terre descend,
Plus son vol prisonnier s’éveille avec son sang :
Le roi revient. La terre a fui, le vaisseau monte !
Il monte… Le vieil aigle a secoué sa honte,
Bondit : et, l’œil plongé dans l’horizon vermeil,
Son cri ressuscité le rattache au soleil.