Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/602

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Je m’arrête : Mon front se penche sur ma main ;
Et je me dis : Pourquoi ? je vivrai donc demain !

Je suis découragé : je souffre, et la nature,
Aussi pâle que moi, se meurt de ma blessure.
Quand j’admirais le plus leurs joyeuses couleurs,
Un orage est venu briser toutes mes fleurs :
Nulle n’a survécu ! Dieu, qui m’as fait si triste,
Rappelle-moi : pourquoi veux-tu donc que j’existe ?
J’ai beau prier ! la mort s’enfuit devant ma voix,
Comme un nuage noir, suspendu sur des bois,
Qui passe, sans daigner y frapper du tonnerre,
L’arbre enfant, dont la cime est trop près de la terre.
Chaque effort que je fais, pour sortir d’où je suis,
M’enfonce plus avant dans mon marais d’ennuis.
Ah ! lorsqu’on a long-temps vécu dans l’esclavage,
Jamais la liberté ne reprend l’avantage :
Chaque anneau du collier est entré dans nos chairs,
Et l’homme ne fait plus qu’un tout avec ses lèrs.

Auprès de mes chagrins envoyé par la lyre,
Toi, qui veux chaque jour me rapprendre à sourire,
Et, m’arrachant de force à mon bourbier de fiel,
Reconduire ma voix vers les échos du ciel,
Mon frère, il est trop tard pour me parler de gloire.
Tes vers ont vainement pitié de ma mémoire,