Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/604

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L’autel ne bouge pas : et mon serment s’efface.
Impossible aujourd’hui de reprendre ma place !
Une fois enlacé dans les nœuds du chagrin,
Qui pourrait s’arracher de ce cerceau d’airain ?
Tu me l’as dit, toi-même, en peignant mon supplice.
Il faut, en pleine force arrêté dans la lice,
Comme un vaisseau surpris par le poulpe du nord,
Sous ce fardeau vivant plier jusqu’à la mort.
L’hydre, au fond de ses mers, où le géant chavire,
Dans ses bras limoneux, emporte le navire :
Et nous, quand le chagrin s’est mis à nous serrer,
Du vivace ennemi rien ne peut nous tirer ;
Il faut, avec le monstre, impuissante victime,
Sans espoir de salut lutter sur un abime,
Et s’y perdre. Comment, déjà noyé de pleurs,
Défaire autour de soi tous ces nœuds de douleurs ?
Comment songer encore au but que l’on s’ordonne,
Quand d’un réseau d’écueils le sort vous environne :
Et quand, à chaque instant, forcé d’y résister,
Le cœur, malade et lourd, semble près d’éclater ?
On dirait qu’une idée, errante dans nos veines,
Pour mieux nous étouffer, s’y gontle de nos peines
Le ciel, comme le monde, est fermé sous nos pas :
On frappe à tous les temps, qui ne répondent pas ;
L’amour est sur le seuil, sentinelle implacable,
Qui rattache au proscrit le boulet qui l’accable.