Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/610

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Et, quand son nom battait dans mon âme oppressée,
Moi, je sentais le mien glisser de sa pensée.

Que te dirai-je, ami ? pourquoi te retracer
Par combien d’avanie elle m’a fait passer :
Comment, de ses faveurs calculant l’imposture,
Elle a sur mon amour mesuré ma blessure :
Et comment, un par un, sans le moindre remords,
Elle a brisé les nœuds, qui liaient nos deux sorts !
M’a-t-elle donc, l’ingrate, aimé par bienfaisance,
Moi, grand Dieu, qui vivais de sa seule présence,
Moi, qui sous ses regards, par ses yeux oublié,
Aurais voulu mourir pour un mot de pitié,
Qui n’ai pas, même encor, de pensée ou de rêve,
Que son nom ne commence, et que son nom n’achève !
Sa joie était perverse, et ses pleurs me trompaient.
Souvent d’âcres sanglots, malgré moi, m’échappaient :
Et quand mon cœur tordu criait sous son cilice,
Elle, d’un froid sourire, agaçait mon supplice,
Ou vantait son repo, s devant mon désespoir :
Ses yeux insouciants ne daignaient pas le voir !
Le sarcasme souvent me vengeait du parjure :
Et lorsque ma douleur en émoussait l’injure,
Son cœurn’inventaitrien, non, rien, pour me calmer ;
J’arrivais à la haine à force de l’aimer.