Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/625

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Ils en devaient sortir, en gerbes corrosives,
Affilés de mépris, barbelés d’invectives ;
Mais nos serments de haine, hélas ! sont inconstants :
Je suis trop peu romain, pour détester long-temps.

J’ai repris à la nuit, où je l’avais laissée,
Une. espèce de lyre, à demi fracassée.
J’ai voulu, réveillant mon fragile âge d’or,
Savoir si le soldat était poète encor :
Je le suis, presqu’autant que je l’étais naguère.
Comme un premier tombeau, j’ai, traversant la guerre,
Dans son linceul de sang déposé mes malheurs :
Et ce monde, où je rentre avec des yeux sans pleurs,
Semble, autrefois si sombre, un temple de lumière,
Où je ne porte plus ma chape de poussière.
Je suis poète encor ; mais, lent à t’obéir,
Je sais mieux admirer, que je ne sais haïr.
Qu’un autre aille essayer si la lyre poignarde !
La nature s’éveille : elle est là : je regarde.
Six mois se sont passés, depuis que j’ai promis,
D’armer de fiel mon vers autrefois si soumis :
Tout a changé de face : et, libre de toriure,
Mon cœur ressuscité rit comme la verdure.
Six mois se sont passés ! Les bois, pendant ce temps,
Ont ouvert leurs bourgeons aux baisersdu printemps :