Page:Lefèvre-Deumier - Poésies, 1844.djvu/634

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La mort réconcilie, au lieu de séparer :
Moi qui ne pleurais plus, je suis prêt à pleurer.
Tandis que je laissais ma plume rajeunie
Tenter une récolte aux sentiers du génie,
Fallait-il que, vengeant mes siècles de chagrins,
La nielle du sort noircit mes nouveaux grains !
Ce n’était pas assez, mon Dieu, d’un seul divorce,
Et qu’un vaste horizon vint désunir de force
Nos deux cœurs, l’un dans l’autre autrefois recueillis :
Il s’élève une tombe entre nos deux pays.
Oh ! j’ai honte à présent de ma lyre ulcérée,
Que j’ai voulu punir de t’avoir célébrée :
Qui m’a trop bien peut-être, et si mal répondu.
Je ne sais s’il restait, en mes veines perdu,
Quelque germe d’amour, que j’ignorais moi-même ;
Mais je n’ai plus dans l’âme, à coup sûr, de blasphème.
Si j’en crois de sa sœur le récit désolé,
Elle s’est repentie, elle m’a rappelé :
Elle cherchait ma voix, pour avoir du courage :
Elle eût voulu mourir, les yeux sur mon visage,
Couverte de mes pleurs, comme de son pardon !
En s’envolant au ciel, elle disait mon nom !
Plus pure de remords, qu’on ne l’est d’innocence,
Je n’injùrirai pas sa nouvelle naissance.
Ombre, qui n’entends plus que je sais oublier,
Mon pardon vient trop tard, mais tu l’as tout entier ;
Qui vécut pour t’ai mer mourra sans te maudire.
Tu ne sauras jamais si ma haine en délire