Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/159

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de votre talent ! j’aime beaucoup vos ouvrages ! Oh ! beaucoup ! » Puis tout à coup, comme par un élan de franchise : « Pas tant que vous ! Pas tant que vous ! »


II

Arrivons à son œuvre la plus sérieuse. André Chénier a fait ce vers charmant :


L’art ne fait que des vers, le cœur seul est le poète.


Eh bien, le cœur de Dupaty fut vraiment poète un jour.

C’était dans les premières années de la Restauration. La calomnie, la délation envahirent tout à coup la France comme une maladie pestilentielle. On dénonçait partout et pour tout. On dénonçait les écrivains, on dénonçait les généraux, on dénonçait les paroles, on dénonçait le silence ; on dénonçait un fonctionnaire pour avoir sa place, on dénonçait un mari pour l’éloigner de sa femme et la lui prendre. Alors jaillit tout à coup de l’âme généreuse de Dupaty un poème en trois chants : les Délateurs, tout vibrant d’indignation, d’inspiration et plein de vers d’une allure, d’une facture vraiment magistrale. Qu’on en juge par ce court fragment :

 
Il demeure caché, même quand il dénonce,
Et veut, certain du coup qui m’atteindra demain,
Pouvoir m’assassiner en me tendant la main.