Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/195

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ADAM (avec un cri de douleur) :
                          O père misérable !
O d’un triste avenir image épouvantable !
Ainsi dans mon forfait les hommes confondus,
Tous, du premier pécheur qui les aura perdus,
Chargeront la mémoire et de haine et d’outrage !
Et leurs cris contre Adam s’élevant d’âge en âge,
Si de l’âme après nous luit encor le flambeau,
Troubleront ma poussière au fond de mon tombeau !


Cette terreur d’Adam, cette vision effroyable, ces siècles d’anathème et de remords dont il sent le poids tomber tout à coup sur sa tête, sont d’un grand poète.


III

Même nouveauté dans sa seconde tragédie, Épicharis et Néron. Le succès en fut immense. Le succès eut-il tort ? Un seul fait pour réponse. Le cinquième acte de Christine à Fontainebleau, d’Alexandre Dumas, fut salué comme une grande hardiesse dramatique. Or, sur quoi repose la première partie de ce cinquième acte, la partie la plus originale, selon moi ? Sur la peinture saisissante d’un des sentiments les plus bas et les plus puissants de notre pauvre cœur humain : la peur. Le poète nous montre Monaldeschi pâlissant, frémissant, pleurant, reculant, suppliant devant l’épée qui le menace. C’est la dernière heure d’un condamné lâche. Eh