Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/210

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Chénier un mot assez noble. Il n’a pas osé l’employer ! Il n’a même pas osé dire le rossignol. Il l’a déguisé mythologiquement en Philomèle.

 
La dernière strophe porte toute vive la marque de l’époque.
La grâce décorait son front et ses discours,
Et comme elle craindront de voir finir leurs jours
Ceux qui les passeront près d’elle.


Ne dirait-on pas un vers de Dorat ? Qu’en conclure ? Que la Jeune Captive n’est pas une œuvre délicieuse ? Non ! Qu’André Chénier n’est pas un novateur ? Nullement ! Mais que dans tout novateur, il y a l’homme du présent et l’homme de l’avenir. Que pour être juste, il faut lire les ouvrages du passé, tout ensemble avec l’esprit d’aujourd’hui, et l’esprit d’autrefois ! Qu’il faut remettre l’œuvre et l’auteur dans leur cadre, et faire dans ce qui reste d’eux, la part de la mort et la part de la vie. Ainsi lit-on et doit-on lire André Chénier. Ainsi devrait-on lire, même cette littérature de l’Empire, si décriée aujourd’hui, et dont je me chargerais bien de tirer un ou deux volumes charmants. Ainsi, enfin, ai-je relu mon père, et grâce à cette méthode littéraire qui selon moi constitue la véritable critique, et qui depuis cinquante ans fait ma règle et ma joie.

Oui ! si j’ai réagi énergiquement contre le dénigrement systématique, si j’ai rejeté le dédain transcendant pour la sympathie transcendante, si je comprends