Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/232

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Toire, qui ne boudait devant personne ni devant rien, lui dit crânement après le dernier coup : « Cela n’empêche pas, mon capitaine, que je vous défierais bien d’en faire autant l’épée à la main. » On va sur le terrain, et le pauvre diable de pompier reçoit trois coups d’épée en un seul choc. Heureusement ces trois-là n’en valaient qu’un bon, et il en fut quitte pour rester huit jours sans aller au café.

Enfin Lozès aîné, le grand Lozès, qui est mort il y a une quinzaine d’années, fut le quatrième adversaire de Bertrand. Je ne voudrais pas recommencer ici un inutile parallèle rétrospectif entre ces deux illustres tireurs, mais je tiens à rappeler un fait caractéristique qui m’est personnel. Un peu impatenté d’entendre placer Lozès sur la même ligne que Bertrand, je lui adressai un jour la proposition suivante :

« Monsieur Lozès, lui dis-je, vous êtes un artiste de premier ordre, et l’admiration des amateurs hésite entre M. Bertrand et vous. Malheureusement, vous ne vous êtes encore trouvés en face l’un de l’autre que de loin en loin, dans ces rares assauts solennels qui ne permettent pas un jugement sérieux, parce que le hasard, le moment, la disposition actuelle des deux tireurs ont trop de part dans le résultat. Il faut une épreuve plus décisive pour prononcer sur deux hommes comme vous. Je viens vous la proposer. Faites avec M. Bertrand six assauts consécutifs, à huit jours de distance, à boutons marqués, devant l’élite des amateurs ; vingt d’entre nous se réuniront pour offrir au vainqueur un prix de deux mille francs. » M. Lozès se