Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/38

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qui la faute ? lui répondis-je, à vous !… ― Et aussi au rôle, ajouta-t-elle vivement… Car enfin, malgré mes réserves, c’est un très beau rôle ! Ce qu’il a d’un peu contradictoire disparaît devant ce qu’il a de brillant, de sincère, d’aimable, et la lecture de la charmante lettre qui fait le dénouement est à elle seule une bonne fortune pour une artiste. ― Eh ! bien, lui dis-je alors, savez-vous l’histoire de cette lettre ? ― Non. ― Elle est curieuse. Casimir Delavigne était fort embarrassé pour faire tomber dans les mains de Danville cette lettre qui justifie Hortense. Il confie son embarras à Scribe, à qui il confiait tout, et Scribe lui dit : « Je crois que je peux te tirer d’affaire ; je fais en ce moment une pièce en un acte, Michel et Christine, qui renferme une situation identique à la tienne, et j’ai trouvé, pour en sortir, un moyen assez ingénieux. Prends-le. Personne ne s’en doutera. Comment s’imaginer qu’une grande comédie en cinq actes emprunte quelque chose à un pauvre petit vaudeville ? Et je m’applaudirai deux fois de ma trouvaille, puisqu’elle te sera utile à toi comme à moi. » Scribe avait bien deviné ; nul critique ne reprocha cette légère imitation à Casimir Delavigne, et son triomphe fut un événement pour toute la jeunesse des écoles.


IV

C’était sous le coup de mon enthousiasme que j’avais fait mon envoi d’écolier à Casimir Delavigne. On