Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/410

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à son ami, parce qu’il ne peut pas s’empêcher de parler, parce que tout amoureux de vingt ans a besoin d’un confident, c’est l’indiscrétion de la jeunesse et de l’amour.

Son ami, bien entendu, lui a juré, sur l’honneur, de se taire. Par malheur, cet ami est aussi, de son côté, amoureux d’une jeune veuve, qui lui tient rigueur. Elle a flairé l’intrigue qui est en jeu, elle veut en savoir le fin mot et le demande à son soupirant. Il se défend… il ne sait rien… elle le presse, il résiste. Elle se pique ou feint de se piquer. « Vous ne m’aimez pas ! Si vous m’aimiez, vous me diriez tout. Si vous me disiez tout, cette marque de confiance me toucherait, et qui sait… si la reconnaissance ?… » La promesse était trop tentante, le jeune homme perd la tête, il parle… C’est l’indiscrétion de l’égoïsme. Il vend le secret confié. J’avais imaginé une assez bonne fin de scène : à peine la confidence achevée, la jeune femme se levait en souriant et lui disait : « Mon cher monsieur, Dieu me préserve de confier mon honneur à un homme qui ne sait pas garder le secret d’un ami. »

Nous voici à la troisième étape. Que va faire la jeune femme de ce mystère surpris ? Le temps est admirable, tous les baigneurs sont en promenade. Elle est restée seule à Cauterets avec un vieil oncle goutteux et quelque peu sourd. « Comment passer sa journée ? Comment alléger ces heures si pesantes ? Si je racontais l’histoire à mon oncle ! Oh ! Non ! Non ! Ce serait trop mal ! Mais ce serait si amusant. D’ailleurs je ne dirais pas les noms. Je pourrais même mettre Bagnères, au