Page:Legouvé - Soixante ans de souvenirs, 1886.djvu/417

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pseudonyme où ne figure que la dernière syllabe de son nom (Dinaux). Son œuvre d’éducation porte un autre nom que le sien. Il aurait dû être deux fois célèbre : il est inconnu.

C’est cet inconnu que je voudrais faire connaître. C’est cette riche et puissante nature, en lutte cinquante ans avec la mauvaise fortune, que je voudrais peindre. Peu d’hommes, en effet, ont été plus doués par la nature et plus maltraités par le sort. L’une lui prodigua tout, l’autre lui disputa tout. Les épreuves cruelles, les obstacles invincibles se dressèrent devant lui à chacun de ses pas. Eh bien, le croirait-on, quand je cherche le trait caractéristique de cet homme qui a tant travaillé et tant souffert, je ne le trouve que dans ce vers de La Fontaine :


Et le don d’agréer infus avec la vie.


Certes cependant, ses qualités viriles valaient ses qualités charmantes. Il avait, outre la grâce innée, l’énergie, la persévérance, la foi indomptable ; mais chez lui le charme dominait tout, enveloppait tout, se mêlait à tout et le tirait de tout. D’où venait ce charme ? De sa figure ? Non. De sa tournure ? Non. Un nez plutôt gros, une bouche plutôt grande, des yeux plutôt petits, des joues pleines et roses comme des joues d’enfant ; une belle taille, mais un peu massive dans sa prestance ; un front chauve dès la jeunesse, et où la chevelure n’était représentée que par une petite bande de cheveux châtains et soyeux courant au bas de la nuque d’une oreille à l’autre ; mais de ce front, de ce regard, de